Alain Giresse, à jamais le premier !
Dans l’histoire du club, la grande histoire, celle qui s’écrit en majuscules, « Gigi », tel qu’il a toujours été affectueusement surnommé dans sa région natale, est le numéro UN. Le monument, l’emblème, le symbole.
De par son talent de joueur, sa carrière et la longévité de celle-ci, il a forgé le respect, l’admiration et façonné le palmarès des Girondins de Bordeaux. Club qu’il aura à jamais dans la peau. Et Alain Giresse, c’est en parallèle l’incarnation d’une certaine idée de la fidélité qui, malgré un passage de deux saisons à l’Olympique de Marseille (1986-1988), en fin de parcours, semble indélébile.
Cet homme au gabarit de poche (1,63 mètres) est un grand. Un géant du foot, même. Dans le cœur des supporters marine et blanc, dans la mémoire collective, dans les faits sportifs, mais aussi dans les colonnes de chiffres, de statistiques ; tant en interne, qu’au niveau national. Car avec 587 matches en Ligue 1, il est le joueur de champ qui a disputé le plus de rencontres dans toutes l’histoire de la première division française. Pour 520 sous le maillot bordelais et un total de 592, toutes compétitions confondues (T.C.C.) avec celui-ci…
En expédiant, aussi, à 179 reprises le cuir au fond des filets adverses ! Capitaine d’un onze qui va progressivement s’affirmer comme le meilleur de l’Hexagone, dans le courant des années 1980, sous l’impulsion d’un Aimé Jacquet et d’un Claude Bez comme lui ambitieux, le meneur de jeu de classe internationale évolue en même temps que sa brillante formation. Il gravit les échelons de la gloire, de ses premiers pas effectués en professionnel en 1970, à sa dernière apparition avec Bordeaux, en 1986.
La classe et le talent
Formé au club, et fort de vingt-six saisons à haut niveau, Alain Giresse est LA légende bordelaise ! Un toucher de balle hors du commun, un sens du jeu, du collectif, du but, sans égal, une virtuosité rare, il est le maître à jouer d’un groupe qui va petit à petit escalader – presque tous – les sommets – du football européen, puis mondial. Et conquérir le respect planétaire !* Coéquipiers, adversaires, techniciens, médias, observateurs, spectateurs, téléspectateurs… tous louent son immense talent. Au XXIe siècle, il serait à classer dans la catégorie des « Top Players », tels que Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, Neymar et d’autres, car c’est l’excellence, dans sons sens le plus noble du terme…
« Giresse, quand je le voyais, tous les matins, à l’entraînement, c’était extraordinaire… C’était (Andrés) Iniesta aujourd’hui ! » Le compliment et la comparaison sont élogieux et légitimes. Et viennent de Bernard Lacombe, en 2016, son partenaire de jeu et prolifique attaquant aux Girondins (136 buts inscrit T.C.C. avec les Bordelais) et en Équipe de France (38 sélections, 12 buts), avec lequel il a régalé les habitués de Lescure, notamment. Car « Gigi », c’est la grande classe. Celle qui se matérialise par la victoire, mais aussi par le talent, le geste juste libérateur ; celui qui sied aux grands joueurs.
Comme ce 30 avril 1986, par exemple, lors de la finale de la Coupe de France, qui oppose les siens à l’Olympique de Marseille, au Parc des Princes, à Paris. Au terme d’un match indécis – son dernier officiel avec Bordeaux –, dans lequel les Aquitains sont menés à la marque et livrent un combat homérique (suite à un penalty manqué d’Uwe Reinders à la 25e minute) pour revenir à égalité (par Jean Amadou Tigana), il délivre son équipe au bout du suspense (116e minute/2-1).
D’un lob magique, après un contrôle en extension tout en maîtrise du pied gauche, il expédie le ballon en lucarne du droit et crucifie Joseph-Antoine Bell, l’un des meilleurs gardiens de but évoluant en France ! Offrant ainsi la deuxième coupe nationale à son club, quarante-cinq ans après la première…
Cette réalisation subtile caractérise à elle seule tout le génie et la carrière de ce garçon, doué de droit divin ! Et dire qu’il était, en réalité, blessé depuis plusieurs jours…
Des buts qui font la différence
Mais dans la longue carrière de ce joueur et tireur de coup-franc d’exception, il n’y a pas eu que la Coupe de France. D’autres coupes, d’autres titres et faits de gloire ont jalonné son parcours. En championnat, il permet au club de réaliser l’exploit de conquérir deux saisons d’affilée le titre de champion de France. En 1983-1984 et 1984-1985, Bordeaux est donc numéro un dans l’Hexagone.
Cinquante-quatre ans après celui glané par les Swiatek, Libar, Kargu, Persillon, De Harder, Gallice, Meynieu et consorts, c’est historique ! Mais difficile, aussi, puisque la première année, le club termine à égalité de points avec l’A.S. Monaco, et s’impose grâce à un nombre de buts supérieur à celui des Azuréens ! Ceux inscrits par Giresse font assurément la différence : 16 en 34 matches. Pas mal, pour un meneur de jeu ! Seul Bernard Lacombe a fait mieux (18 buts)…
La suivante, il en inscrit 11 en 36 matches, derrière Lacombe (21) et Dieter Müller (13)… Humble et travailleur, il ne met alors jamais sa propre personne en avant. Bien au contraire. « Nous confirmons le titre de 1984 dans une sérénité totale, se souvient « Gigi ». Nous n’avions perdu qu’un seul point à Bordeaux, alors que nous étions déjà champions. À cette époque, nous rentrions sur le terrain pour savoir non pas si nous allions gagner, mais combien nous allions l’emporter. Nous avions une grande confiance, une grande plénitude. Nous n’avons perdu que quatre fois. Rien ne nous résistait. »
Et cette année-là, les hommes d’Aimé Jacquet parviennent jusqu’en demi-finale de la Coupe des Clubs Champions Européens (la Ligue des Champions aujourd’hui). Ils affrontent la Juventus Turin de Michel Platini, meilleure équipe d’Europe, et qui compte dans ses rangs plusieurs joueurs champions du Monde avec l’Italie en 1982. Un obstacle que les Marine et Blanc ne franchissent pas (défaite 3-0 à Turin et victoire 2-0 à domicile), mais qui est le point d’orgue d’une épopée magique, et qui fera date. Confirmant de facto l’énorme talent de Giresse et du collectif qu’il draine dans son sillon.
L’Europe, acte fondateur
Une aventure continentale qui a pris corps au cours de l’exercice 1981-1982, en Coupe de l’U.E.F.A. (Europa League aujourd’hui), malgré une élimination en seizième de finale face au H.S.V. Hambourg. Car en 1982-1983, si le pèlerinage s’arrête cette fois-ci en huitième, face à l’Universitatea Craiova, en Roumanie, de solides bases sont posées. Notamment lorsque les Girondins renversent plusieurs situations a priori désespérées…
D’abord face au Carl Zeiss Jena (défaite 3-1 en République Démocratique Allemande et victoire 5-0 à Lescure), puis à l’Hajduk Split (défaite 4-1 en Yougoslavie et victoire 4-0 à domicile). Alain Giresse ayant inscrit 6 buts dans la compétition, il est, juste derrière Erwin Vandenbergh (7 buts et vainqueur de l’épreuve avec le R.S.C. Anderlecht), le deuxième meilleur scoreur de C3 cette saison-là.
« J’ai trente-et-un an (en 1983, NDLR), je me demande si je gagnerai quelque chose un jour, confiait-il dans « Droit au But ! » (Hachette), en 1985. On m’a couvert d’honneurs après le Mundial (…)*. Cela ne me satisfait pas, c’est un titre ou une coupe sur le terrain qui m’intéresse. Je préfère que l’on récompense une équipe où joue Giresse, plutôt que Giresse lui-même. Ne cherchez pas à comprendre, c’est comme ça ! » La suite donnera à sa destinée hors normes une trajectoire faite de récompenses et de trophées.
Et bien évidemment, résumer son immense parcours à Bordeaux en ces seuls exemples ne serait que pure offense. Mais, dépositaire d’un jeu unique, de prestige, et d’un football de panache, avec classe, humilité et indéfectible exemplarité, il toujours su se montrer à la hauteur des échéances taille XXL auxquelles il a dû faire face. Tout en étant garant d’une redoutable efficacité à Bordeaux et en Équipe de France ; deux entités chères à son cœur et auxquelles il a consacré sa vie. Et qui l’ont consacré…
Alain Giresse a aussi occupé la fonction de Directeur technique au club en 1989, avant d’embrasser une carrière d’entraîneur, puis de sélectionneur national à l’étranger…