Alain Giresse, en Marine et… Tricolore !
Comme celle qu’il a vécue avec son club de cœur, l’Équipe de France est pour Alain Giresse une belle histoire d’amour et de fidélité.
Pilier, en compagnie notamment de Michel Platini, son ami, d’une formation drivée de main de maître par Michel Hidalgo (1976-1984), le numéro 10 marine et blanc, qui porte plus souvent le 8 ou le 12 chez les Bleus (et le 10 quand Platini n’est pas là), vit l’intégralité des ses heures de gloire en tricolore, pendant sa période bordelaise. Et celles de son pays, en la matière, également. Il deviendra même l’un des artisans majeurs de ses succès héroïques…
Faux ailier, vrai joueur !
Lui qui, déjà, dès ses débuts effectifs avec les professionnels (en match amical à Limoges, saison 1969-1970), est qualifié par un journaliste local de « petite merveille », tant son talent tend à éclater précocement… Junior, il intègre donc l’équipe fanion, puis très vite celle de la catégorie, en bleu-blanc-rouge. Par un concours de circonstances, « Gigi » est même directement promu au rang de titulaire lors de sa première, en Suède. À l’arrache, peut-on même dire, puisqu’en raison d’une cascade de blessés, il est appelé du jour au lendemain ! Pas le temps de gamberger : l’aventure avec le maillot orné du coq peut désormais sérieusement commencer…
Le « petit », comme il est surnommé, tient là une revanche. Celle de vaincre enfin les préjugés quant à sa taille et son gabarit, qui l’ont parfois involontairement empêché de pleinement s’exprimer, ou d’être retenu dans diverses sélections. En Scandinavie, il rencontre Dominique Dropsy, qui sera plus tard son coéquipier en A et aux Girondins et, sans le savoir encore, met un coup de boost à l’Histoire et la légende. Collective et personnelle s’entend…
Pourtant, si en bout de parcours international il parviendra à totaliser 47 sélections en A (ce qui est énorme à l’époque) et 6 buts, en presque douze ans (1974-1986), les années 1970 sont pour lui synonymes de convocations éparses, et quasi exclusivement à l’occasion de rencontres amicales. Mais peu importe l’espacement, il a mis le crampon à l’étrier ! Et rarement désarçonné, Giresse s’accroche, pour honorer une première « cap » en 1974, face à la Pologne, à Wroclaw, le 7 septembre. Cependant, Ştefan Kovács, alors sélectionneur national, ne pense pas prioritairement à lui pour fournir l’entrejeu français… Là encore, c’est un concours de circonstances qui va propulser le Bordelais dans le grand bain. Mais pas tout de suite…
Ses prestations en club sont remarquées, mais d’autres joueurs de grand talent occupent le (ou les) poste(s). Entre alors en jeu Michel Hidalgo, adjoint du technicien roumain. Non retenu au départ, il souffle son nom à Kovács quand Serge Chiesa (stratège des Bleus et de l’Olympique Lyonnais) déclare forfait, et décide de quitter définitivement la sélection. Hidalgo habite non loin de Bordeaux et vient souvent voir jouer Giresse. Ainsi, il va évoluer face à l’une des meilleures formations d’Europe, et s’impose 2-0. Aux Côtés de Marius Trésor et François Bracci (Olympique de Marseille, mais futurs Bordelais), il est associé à Jean-Marc Guillou, le « patron », dans un 4-4-2 « prudent », mais en qualité de… « faux ailier droit » !
Cette opportunité, il ne la retrouvera que près de trois ans plus tard, en suisse (0-4), avec les Platini (pour leur première ensemble et le début d’une belle alchimie sportive), Tusseau ou Sahnoun, face à Daniel Jeandupeux, son illustre coéquipier à Bordeaux ! Tandis qu’il avait presque tiré un trait sur la chose… Mais Michel Hidalgo est désormais l’entraîneur en chef, et Giresse, replacé dans l’axe. Pour un parcours conjoint qui les mènera loin… mais pas en Argentine pour le Mundial, en 1978 ! La faute à une saison précédente l’ayant éloigné des terrains en raison de blessures nécessitant longue guérison, et à des prestations collectives bordelaises peu convaincantes…
Mais à partir de 1979 – et l’arrivée de Claude Bez à la tête des Girondins – la renaissance opère et « Gigi », qui atteint « l’âge mûr » du footballeur, va bientôt se hisser dans la cour des grands. Capitaine, patron et buteur en club, il s’impose et éclot littéralement à très haut niveau lors de la Coupe du Monde 1982, en Espagne. Il inscrit trois buts (plus un validé puis refusé face au Koweït, et un tir au but), dont un doublé face à l’Irlande du Nord (4-1, avec un but de la tête). Giresse explose tout et, entouré de Marius Trésor, Patrick Battiston, Jean-Amadou Tigana, René Girard, Gérard Soler ou Bernard Lacombe, ses amis girondins, se révèle à la face du monde.
Sa joie immense et communicative, sa course folle yeux et poings fermés, bras levés, suite à son but marqué en demi-finale (perdue aux tirs au but) face à l’Allemagne de l’Ouest (frappe tendue des 16,50 mètres et poteau rentrant) en sont les témoignages vivants. Des images légendaires, gravées à jamais dans la mémoire de tout amateur de foot. Fortes de symboles, de valeurs, de ce qui caractérise le football qu’on aime, et qui tourne toujours en boucle, trente-cinq ans après… Malgré la terrible réalité d’une élimination injuste (3-3/5-4 t.a.b.).
Aux quatre coins du monde, l’on connaît désormais Platini, Zico, Maradona et… Giresse ! Élu, en sus, joueur le « plus combatif » du tournoi…
Quatrième de la compétition, il termine deuxième au Ballon d’or la même année, puis est sacré champion d’Europe en France – une épreuve qui ne passera pas par Bordeaux, sa ville –, deux ans plus tard, face à l’Espagne (2-0). Au sommet de son art, il livre des prestations remarquables, marque un but et figure dans l’équipe type de l’Euro. Champion Intercontinental en 1985, face à l’Uruguay (2-0), il enchaîne avec la Coupe du Monde 1986 au Mexique, dans laquelle, amoindri par une blessure tenace, il termine troisième, après avoir livré, avec le « carré magique » (l’association en milieu de terrain des Giresse-Tigana-Platini-Fernandez)***, face au grand Brésil des Zico, Sócrates ou Careca, l’une des prestations techniques les plus abouties de l’histoire du football français et mondial…
Un match de folie pour les joueurs d’Henri Michel, qui précède une demi-finale, encore face à la R.F.A., perdue sans âme, face à un adversaire moins fatigué et plus réaliste. Ce sera la dernière apparition officielle d’Alain Giresse sous le maillot tricolore. Ses 47 rencontres disputées avec l’Équipe de France le seront toutes durant sa carrière bordelaise, pendant laquelle il n’aura de cesse d’influer sur le cours des matches, de marquer des buts, d’en faire marquer beaucoup à ses prestigieux coéquipiers. Mais aussi de les servir avec loyauté, et de les faire briller à jamais. Tout comme les trophées qu’il a permis aux siens de remporter…
*** Un « carré magique » auquel Bernard Genghini est également associé.