Christophe Dugarry, à jamais champion du monde
Sur le toit de l'Europe et du Monde
Qu'on l'aime ou non, Christophe Dugarry a marqué l'histoire de l'Equipe de France.
Longtemps contesté, comme s’il n’était ni éligible ni légitime, ou tout simplement comme s’il n’avait pas le droit d’en faire partie, Christophe Dugarry s’est imposé en Équipe de France, contre vents et marées (et critiques des médias, notamment). Certes parfois dans la douleur, dans la provocation volontaire ou non – et souvent par un comportement maladroit –, mais toujours avec en toile de fond un talent avéré. Contesté, c’est vrai, mais au final incontestable. Car s’il y a une chose que l’on ne peut enlever à « Duga », c’est bien cela. Il n’a pas toujours montré en club(s) quelle était la réelle valeur de celui-ci, mais chaque connaisseur en matière de football sait à quel point il est grand. D’un point de vue technique et situationnel, principalement. Et si le Lormontais a eu une idylle passionnée (et mouvementée) avec les Bleus et leur entourage médiatique, son incorporation au sein de l’institution est tout sauf un hasard. Car depuis son plus jeune âge, il a intégré les catégories de jeunes de la F.F.F. (Cadets, Juniors, Espoirs) ; logique, donc, que les promesses tricolores se concrétisent au plus haut niveau. Et c’est avec les Girondins de Bordeaux que cela intervient, à tous les échelons. Déjà précédé d’une réputation de joueur en – grand – devenir, après avoir fourni de belles prestations et marqué plusieurs buts avec les Bleuets, l’attaquant est convoqué par Aimé Jacquet, sélectionneur qu’il a connu dans ses jeunes années bordelaises, pour disputer la Kirin Cup, au Japon, en 1994. Il a alors 22 ans. L’Équipe de France est en reconstruction, après la non-qualification pour la Coupe du Monde aux États-Unis, qui va se dérouler quelques semaines plus tard. Jacquet fait des tests et procède à des retouches d’effectif, de joueurs et de systèmes, dans l’optique de préparer le Championnat d’Europe des Nations 1996, en Angleterre.
Une première au Japon
Il offre donc une première fois à Duga, mais aussi Fabien Barthez (Olympique de Marseille) et Nicolas Ouédec (F.C. Nantes Atlantique), à Kobe, le 25 mai, lors de ce tournoi amical (du 22 au 29 mai). Invités au pied levé, suite à un refus de l’Argentine de venir (en représailles à une interdiction de délivrance de visa de la part des autorités nippones à l’encontre de Diego Armando Maradona), c’est une véritable veine pour ces novices. Face à l’Australie, Duga, titulaire, est associé en attaque à Éric Cantona avec lequel il a joué à Bordeaux, et Jean-Pierre Papin, avec lequel la collaboration aux Girondins souffrira plus tard d’un mauvais timing… Bixente Lizarazu est remplaçant.
Sous l’œil des (Laurent) Blanc, Angloma, Di Meco, (Emmanuel) Petit, Karembeu ou Ginola, notamment, et sous un déluge occasionnant d’ennuyeuses flaques d’eau, il fait marquer capitaine Cantona, au moyen d’une transversale, mise à profit pour placer une tête lobée victorieuse (43e minute). Et marque des points, individuellement, par la même occasion ! Le gain du match est scellé (0-1) et le Girondin est remplacé par Corentin Martins (74e), avec qui il évoluera chez les Marine et Blanc en 1999-2000. La France remporte le tournoi triangulaire en battant le Japon (4-1), mais il ne participe pas à cette finale.
Une deuxième à Lescure
Sa deuxième sélection, il l’honore le 17 août suivant. Et elle est importante car c’est au Stade Municipal de Bordeaux, sous les yeux de ses proches, de son club, de ceux qui l’aiment. Ce France-République Tchèque, en amical, ce sera en compagnie de Zinedine Zidane et « Liza ». Ce sera en sus la magnifique exposition dont ces trois larrons avaient besoin. Oui, c’est la fête, sauf que ce sont les visiteurs qui prennent le large, avec une avance de deux buts à la pause (2-0) ! Mais « Zizou », qui entre en jeu à la 63e, pour son baptême en « A », va en inscrire deux lui aussi, pour arracher un nul (2-2) que les arcades de Lescure n’ont toujours pas oublié… Tout le monde est heureux sauf Duga, qui (après avoir été remplacé à la 77e) déclarera plus tard : « Je crois que c’est le pire match de ma carrière. C’est simple, j’ai tout raté ce jour-là (…) » ! Dur avec lui-même, il comptabilisera toutefois 55 sélections en Équipe de France « A » (et 8 buts), entre 1994 et 2002… Pas mal pour un insatisfait ! Plutôt bien, également, pour son palmarès, qui va s’étoffer…
Demi-finaliste de l’Euro en 1996, il donne la victoire face à la Roumanie (1-0), en phase de poule et poursuit sa mission jusqu’en 1998, ou le Mondial a lieu chez lui. Ou presque, puisque si d’un point de vue personnel il est passé du Barça à l’O.M., la délégation ne fait pas étape à Bordeaux. Mais Christophe est malheureux : une partie de la presse spécialisée hexagonale s’acharne sur lui et remet en question la pertinence de sa présence dans la liste définitive. Jacquet est par ailleurs chahuté, molesté idéologiquement, pour ne pas dire insulté, sali… Alors il est vrai que son joueur sort d’une période creuse, même si elle a été passée à l’ombre de blasons prestigieux. Mais blessé, celui-ci se sent victime d’un traitement ciblé, trop virulent et d’une injustice constante. Incompris, il cherche des réponses aux interrogations inquisitrices, et encaisse sévère lorsque l’on prétend qu’il ne doit sa présence dans le groupe qu’à l’intervention de son ami Zidane, auprès du staff tricolore… Mais cette « méchanceté gratuite », comme il la nomme, il va la balayer en même temps que sa crise de confiance…
Un, deux, trois… héros !
Lors de la première échéance, face à l’Afrique du Sud, le 12 juin, au Stade Vélodrome de Marseille, il entre en jeu à la place de l’avant-centre, Stéphane Guivarc’h (26e), poste pour poste. Après quelques occasions non finalisées, il réceptionne de la tête un corner de Zidane et catapulte le cuir au fond des filets, pour une ouverture du score très symbolique. Sa joie s’en suivant, langue tirée et bien pendante sur déroulé de course folle improvisée, traduit à merveille l’état second dans lequel il se trouve alors… Impliqué sur le deuxième but des siens, il finalise le travail en délivrant un corner repris par un Thierry Henry très inspiré. 3-0, les Bafana Bafana sont baffés mais, surtout, les détracteurs, non loin, se cachent désormais sous leurs pupitres coupables…
Pied de nez au destin, il redonne sans conteste du crédit à tout ce qui a été jusque-là remis en question, et ouvre les portes de l’espoir. Il participe brièvement au match suivant, remporté face à l’Arabie Saoudite (4-0), mais sort sur blessure musculaire (26e). Il ne réapparaîtra sur le pré que lors de la mythique finale, au Stade de France, fatale pour le Brésil des non moins légendaires Zagallo (sélectionneur), Taffarel, Cafú, Roberto Carlos, Aldair, Leonardo, Dunga, Rivaldo, Bebeto ou Denílson… Et ce 12 juillet, Dugarry entre de nouveau à la place de Guivarc’h (66e), dans une formation qui mène 2-0, grâce à un doublé de son ami Zizou. À la 93e minute de jeu, tandis que les Bleus sont en passe de remporter leur première coupe du monde, le « Dug » remonte le terrain balle au pied, décale Patrick Vieira, côté gauche, qui sert Emmanuel Petit dans l’axe, pour une frappe croisée qui assomme définitivement les « Auriverde ». Et un, et deux, et trois-zéro, « on » est champion du monde… Duga aussi, parbleu ! Ce dernier tombe dans les bras de Zidane, et leurs larmes de joie amorcent une célébration « black-blanc-beur » dans tout le pays : métropole et Outre-mer. Une nation qui célèbre donc aussi le banni…
Tous les trophées possibles
Deux ans plus tard, les Pays-Bas accueillent l’Euro 2000. Il est accompagné d’Ulrich Ramé, Johan Micoud, et Sylvain Wiltord, partenaires de club. Il ne dispute pas le premier match face au Danemark (victoire 3-0), entre en jeu face à la République Tchèque (victoire 2-1) et, titulaire, marque face au pays hôte (8e) ; c’est sur un corner de Micoud, dans le dernier match de poule, dit des « Coiffeurs » (défaite 3-2). Face à l’Espagne, en quart de finale, il est encore titulaire (victoire 2-1), mais ne joue pas lors de la demi-finale face au Portugal (victoire 2-1). En revanche, il est bénéficiaire de la confiance du sélectionneur, Roger Lemerre, pour la finale (2 juin), face à l’Italie.
Devant les Nesta, (Fabio) Cannavaro, Albertini, Maldini, Totti, Delvecchio ou Del Piero, au Stade de Feyenoord, à Rotterdam, il cède cependant sa place à Wiltord (58e), pour un changement judicieux, puisque l’égalisation de celui-ci (1-1) permettra d’accéder à la prolongation. Ensuite, David Trezeguet inscrira le fameux « but en or » du sacre (2-1) ! C’est un deuxième trophée majeur pour lui, qui en appellera un autre un an plus tard. Lors de la Coupe des Confédérations, organisée en Corée du Sud et au Japon, il ne joue que le match d’ouverture des Bleus face à la Corée (victoire 5-0) et s’éclipse définitivement du tournoi en raison d’une blessure au mollet, qui le contraint à rentrer plus tôt en France. Laquelle s’imposera 1-0 en finale, face au Japon.
À l’occasion de la Coupe du Monde 2002 en Corée du Sud et au Japon, de nouveau, la France, tenante du titre, est éliminée au premier tour. Dugarry entre en jeu lors des deux premiers matches de poule et, titulaire face au Danemark, le 11 juin 2002 à Incheon (Corée), termine par une défaite lors de ce troisième et dernier rendez-vous (2-0). Ce qui place les Bleus en quatrième position au tableau d’affichage… C’est fini ! Le Bordelais est alors remplacé par Djibril Cissé (54e), pour ce qui reste son ultime sortie officielle avec le maillot orné du coq.
En un peu plus de huit ans de présence chez les Bleus, Christophe Dugarry a remporté tout ce qu’il est possible de remporter au niveau international. Lui, le gamin de Lormont, l’adolescent des Girondins, décrié, adulé, réhabilité, aura mis à terre ses bourreaux et asséché les plumes acerbes de ses ennemis médiatiques. Lui, l’adulte, qui a écrit, avec cette encre, les plus belles pages de l’Équipe de France, aussi. Lui, enfin, l’homme qui est à jamais champion du monde…